TOURNESOL
Carpe
diem
Festival
off d’Avignon – 2023
Atypik
théâtre / 16h10
Compagnie
Les enfants des autres
Texte :
Thomas Laurent
Mise en
scène : Jeanne Celot, Thomas Laurent
Tournesol est une pièce de théâtre musicale
qui explore les thèmes universels de la famille, de l’amour, de l’amitié et de
la mort, en cherchant à faire valser vos petits cœurs du rire aux larmes. ON
RACONTE QUOI ? Oscar est condamné. Combien de temps lui reste-t-il ? Ça, nul ne
le sait. C’est la petite particularité dans son cas. Cela peut être un an. Ou
bien deux jours. Et puis un jour, bim. Adieu, Oscar. Ce dont il est sûr, c’est
qu’il va continuer à vivre normalement. Jusqu’à la fin. Il ne dira rien. À
personne. Pas même à l’amour de sa vie, Tim, et encore moins à Lucas, son frère.
Pour les protéger. Le hic : le secret médical, ça n’est vraiment pas le point
fort de son médecin… (Dossier artistique)
Note d’intention : Cette
histoire, c’est celle d’Oscar, un jeune homme de 25 ans condamné à mourir. Son
objectif ? Le cacher à ses proches, pour les protéger et pour pouvoir continuer
à vivre « normalement » jusqu’à la fin. Ne pas voir l’image d’un mourant se
refléter dans leurs yeux. La maladie d’Oscar, qui le dévore de l’intérieur,
nous la traitons ici sous la forme d’une mélodie, qui se répand dans son corps
et remonte lentement jusqu’à sa tête, emmenée par cette femme médecin qui
s’empare de ses instruments. La musique devient ainsi un langage universel,
capable de transmettre les émotions indicibles et de créer une connexion avec
le public. Pour dire des choses qu’on ne saurait dire avec les mots. « La
mélodie se répand, un peu partout dans votre corps » - La Musicienne. Cette
pièce n’est pourtant pas une invitation à la dépression. Bien au contraire.
Nous pensons que pour traiter un sujet grave au théâtre, il faut le faire avant
tout avec humour. Rire, nous croyons que c’est ce qui participe à nous
maintenir toutes et tous debout. L’humour est aussi puissant que l’amour ou que
la mort. Ainsi est-il ancré dans l’identité du récit, à travers des personnages
haut en couleur et leur petit lot de situations saugrenues. Notamment cette
étrange Contrôleuse, qui semble tout savoir d’Oscar et qui lui apparaît au
moment où le compte à rebours est lancé. Thomas Laurent (Auteur et metteur en
scène)
Le
spectacle Tournesol a pour centre un thème profondément bouleversant : une
médecin, sans compassion ni éthique, annonce à Oscar, jeune homme de 25 ans, qu’il
est condamné à une mort plus ou moins prochaine mais bien certaine. Mort et
jeunesse, deux mots que l’on ne supporte pas de voir accolés l’un à l’autre… et
pourtant ! La pièce de Thomas Laurent raconte donc les derniers instants d’Oscar
qui veut les vivre avec intensité tout en préservant son entourage. Lorsque la
mort frappe à la porte d’une vie à peine commencée, elle questionne, elle ébranle.
A travers cette menace à la fois proche et lointaine (Oscar ne connaît ni le
jour ni l’heure de son adieu à la vie) les diverses relations humaines sont
abordées : les liens familiaux (le frère Lucas, le père qui vous a
abandonné et avec lequel on n’a plus de relations depuis tant d’années), l’amour
(incarné par le personnage de Tim magnifiquement interprété par Ruben Lemonnier)…
Les frères Oscar et Lucas qui se posent différemment la question d’une
tentative de réconciliation avec leur père avant l’instant fatal… La mise en
scène est minimaliste[1]
et donne une grande importance aux ambiances musicales (merveilleuse
introduction musicale !). L’utilisation de voiles et de tissus est
particulièrement efficace pour suggérer certaines étapes des derniers jours d’Oscar
avec une métaphore de la Mort qui ne laisse pas indifférent. La troupe des
jeunes acteurs/actrices est vraiment talentueuse, et je ne peux que saluer la
performance de Jules TCHEREPOFF dans le rôle d’Oscar. Je fais miens les mots de
la critique de La Provence qualifiant
Tournesol de spectacle poignant tout
en mettant en évidence le talent incontestable des comédiens : C’est la grande force de cette pièce
interprétée par des acteurs magnifiques, sobres et d’une intensité constante
que de suggérer plutôt que d’affirmer. C’est Lucas qui parle du tournesol
comme d’une fleur capable de pousser en terrain aride et de fertiliser par sa
mort le même terrain… D’ailleurs Oscar ne veut pas de l’enterrement classique à
l’église que son père a déjà préparé pour lui avec une place de choix au
cimetière… Il rêve de devenir un arbre, un sapin… Qu’à partir de ses restes
mortels la vie puisse repousser à travers cet arbre. Tournesol nous fait passer
en très peu de temps d’ambiances festives (la rencontre avec Tim dans une discothèque),
agréables et nostalgiques (les vacances à la mer là où on allait en famille
quand on était enfants), intimistes (la relation d’amour avec Tim) à la
crudité scientifique du discours de l’employée des pompes funèbres qui, en
préparant le corps d’Oscar, lui explique toutes les étapes de sa prochaine
décomposition… Echo contemporain au célèbre verset du livre de la Genèse :
Tu es poussière, et à la poussière tu
retourneras. Tournesol de par son thème central (la mort et l’amour) est un
spectacle philosophique, qui ébranle et qui fait réfléchir. Il nous remet en
présence de la grande fragilité de notre condition humaine. Une maladie suffit
en effet pour arrêter le cours de la vie. On peut penser dans ce contexte à l’éloge
de la santé sous la plume de Ben Sirac, dans le livre de l’Ancien Testament qui
porte son nom, le Siracide ou Ecclésiastique :
Mieux vaut un pauvre en bonne santé et de
constitution robuste qu’un riche torturé par la maladie. Santé et bonne
constitution valent mieux que tout l’or du monde ; un corps vigoureux vaut
mieux qu’une immense fortune. Il n’est pas de richesse préférable à la santé du
corps, ni de bien-être supérieur à la joie de vivre. Mieux vaut la mort qu’une
vie d’amertume, et le repos éternel qu’une maladie sans fin. (Chapitre
30)
« Il
n’est pas de bien-être supérieur à la joie de vivre »… C’est dans cet
esprit qu’Oscar veut, avec toute l’énergie qui lui reste, vivre ses derniers
instants sur cette terre. Comme s’il avait entendu l’appel lancé par l’auteur
du livre de l’Ecclésiaste :
Réjouis-toi, jeune homme, dans ton
adolescence, et sois heureux aux jours de ta jeunesse. Suis les sentiers de ton
cœur et les désirs de tes yeux ! Mais sache que pour tout cela Dieu t’appellera
en jugement. Éloigne de ton cœur le chagrin, écarte de ta chair la souffrance
car l’adolescence et le printemps de la vie ne sont que vanité. (Chapitre
11).
En
sortant de ce spectacle le qualificatif qui me vient spontanément à l’esprit
est délicatesse. Malgré le sérieux
dramatique du thème, aucune amertume dans Tournesol. Uniquement une grande
atmosphère de délicatesse qui nous plonge dans la tendresse et la douceur. A
aucun moment n’affleure chez Oscar la violence du sentiment de révolte face à l’injustice
de la mort qui l’emporte vers son destin… Sa seule « violence », à l’égard
de Tim, est en fait l’expression de sa tendresse pour celui qu’il aime et dont
il est aimé, et qu’il veut protéger. L’attitude de douce résignation d’Oscar
lui donne un profil stoïcien. Le talent conjugué de Thomas Laurent, Jeanne
Celot et des interprètes fait que nous
ne sommes pas accablés par la mort d’Oscar. La délicatesse avec laquelle sont
interprétés ces derniers moments de vie fait que la mort du jeune homme est une
« belle » mort. Il s’y est préparé en appliquant le conseil de l’épicurien
Horace, Carpe diem, et c’est
précisément pour cela que sa mort ne nous accable pas. Elle nous renvoie plutôt
à notre propre finitude nous invitant à accueillir chaque jour le don de la vie
et à faire de notre vie de chaque jour un chef-d’œuvre. Thomas Laurent et Jules
Tcherepoff nous font voir un Oscar qui fait en quelque sorte de son adieu au
monde une œuvre d’art et un testament d’espérance.
Que Jupiter t’accorde plus d’un hiver, ou que
celui-ci soit le dernier, qui, maintenant, brise la mer tyrrhénienne contre l’obstacle
des falaises rongées, sois sage, filtre tes vins, et, puisque nous durons peu,
retranche les longs espoirs. Pendant que nous parlons, voilà que le temps
jaloux a fui : cueille le jour (carpe diem), sans te fier le moins du
monde au lendemain. Horace, Odes
1, 11.